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Débats du Sénat (Hansard)

2e Session, 41e Législature,
Volume 149, Numéro 47

Le mercredi 2 avril 2014
L'honorable Noël A. Kinsella, Président

LE SÉNAT

Le mercredi 2 avril 2014

La séance est ouverte à 13 h 30, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune d'un groupe très spécial de Canadiens représentant l'ACTSA, l'Alliance canadienne des troubles du spectre autistique. Ce sont eux, les grands défenseurs de la cause de l'autisme au Canada.

Au nom de tous les sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada et vous remercie d'être ici.

Des voix : Bravo!


DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

La Journée mondiale de sensibilisation à l'autisme

L'honorable Jim Munson : Si vous entendez des sons particuliers à la tribune aujourd'hui, où toutes les personnes présentes sont mes amis et les vôtres, ce sont les manifestations d'amour et d'affection d'un jeune autiste. Il s'appelle Philippe Manning. Il importe de garder à l'esprit la perception que nous avons du monde de l'autisme : ses effets, ce que les parents vivent, l'amour, et la raison pour laquelle nous devons y porter intérêt.

C'est aujourd'hui la Journée mondiale de sensibilisation à l'autisme, une occasion pour nous d'apprendre sur la vie des gens atteints de troubles du spectre autistique et d'y réfléchir. Depuis une dizaine d'années, je fais de mon mieux pour raconter ce que vivent ces personnes, des travailleurs de première ligne, des défenseurs, des familles et des gens affectueux.

Prenons l'exemple d'une invitation à une fête d'anniversaire ou d'une offre d'emploi. La plupart d'entre nous gardent de bons souvenirs de ces expériences de jeunesse. Or, de nombreux enfants, adolescents et adultes autistes n'ont pas pu vivre ces expériences, pour des raisons qui ne sont jamais complètement attribuables à leurs symptômes autistiques.

Plutôt que de vivre entourés d'amis et de toute une communauté, ces personnes et leur famille vivent souvent isolées. Plutôt que d'être source d'optimisme et d'enthousiasme, l'école et l'autonomie future sont souvent source de frustration et d'inquiétude. Les parents d'enfants autistes assument souvent l'entière responsabilité de leurs soins, et ils ont raison de se sentir seuls car, en vérité, ils le sont. Ils ont également raison de s'inquiéter de ce qu'il adviendra de leur enfant lorsqu'ils ne pourront plus s'en occuper.

J'ai entendu tellement d'histoires déchirantes et je les ai écoutées. C'est une question de droits de la personne. Ces histoires ont inspiré beaucoup de programmes formidables dans la communauté autistique du Canada.

Il y a six ans, mon amie Suzanne Jacobson a créé, ici même à Ottawa, un organisme appelé QuickStart. Suzanne a deux petits-fils atteints d'autisme. Le premier, Alex, a reçu un diagnostic d'autisme lorsqu'il avait à peu près deux ans et demi, mais ce n'est qu'à quatre ans et demi qu'il a finalement pu commencer une thérapie comportementale. Cette si longue attente a été difficile à supporter pour Suzanne, sa famille et son mari, Jake, car ils savaient qu'une intervention précoce est la clé.

Pour épargner d'autres familles, elle a aidé à créer une clinique qui offre un examen préliminaire visant à établir les besoins de chaque enfant. Cette dernière offre des consultations individuelles et des séances de soutien en groupe. Le Club Kiwanis participe à la collecte de fonds pour l'organisme KickStart et l'organisme QuickStart.

Suzanne est déterminée et sûre d'elle, mais il fut un temps où elle était à la merci d'un système de soutien inadéquat. Ce sont l'amour et son dévouement à sa famille qui ont attisé sa détermination à s'informer sur l'autisme et à cerner les besoins les plus pressants de ses petits-fils. C'est certainement la compassion qui l'a incitée à agir dans l'intérêt d'autres familles qui sont dans la même situation.

(1340)

Nous devons tous commencer quelque part. Tous les intervenants du milieu canadien de l'autisme ont des récits comme le mien. Ils se sont impliqués parce qu'ils croyaient que c'était la chose à faire et parce qu'ils se sont laissé guider par leur sens des responsabilités envers les autres. Nombre de ces personnes possèdent aujourd'hui d'amples connaissances sur l'autisme, ses symptômes et ses traitements, ainsi que sur les ressources et les services offerts à l'échelle locale, provinciale et nationale, qui forment un réseau très complexe. Elles sont donc également conscientes de toutes les difficultés que doivent surmonter les parents et les autres membres de la famille d'une personne autiste afin d'obtenir de l'aide pour leur être cher, et elles savent à quel point cette situation peut être déconcertante.

L'une des plus importantes leçons que je tire des récits que me racontent ces personnes est que l'important, c'est d'essayer. N'est-ce pas? Cela a été un jour rempli d'émotions, surtout pour notre caucus du Sénat ce matin, qui a écouté les récits de personnes touchées par l'autisme. Nous avons un objectif, et nous sommes en voie de l'atteindre. Toutefois, il faudra du temps avant d'y parvenir.

Tant que nous écoutons les gens que nous voulons aider et que nous tenons compte de leurs besoins les plus pressants, nous ne pouvons pas nous tromper. Les gens qui se demandent comment ils pourraient contribuer à cette cause devraient profiter de la Journée mondiale de la sensibilisation à l'autisme pour le découvrir. À l'échelle locale et nationale, il y a des personnes et des organisations remarquables vers lesquelles vous pouvez vous tourner pour obtenir des renseignements et mieux comprendre l'autisme. Ce geste tout simple pourrait être le début d'une expérience enrichissante.

[Français]

Le décès d'Angèle Arsenault, O.C.

L'honorable Paul E. McIntyre : Honorables sénateurs, c'est avec tristesse que nous apprenions récemment le décès d'Angèle Arsenault, une grande pionnière de la chanson francophone en Acadie. Elle s'est éteinte à l'âge, de 70 ans des suites d'un cancer, le 25 février dernier, à Saint-Sauveur, au Québec.

Angèle Arsenault est née le 1er octobre 1943, à Abrams Village, à l'Île-du-Prince-Édouard. Elle était la huitième d'une famille de 14 enfants. Dès son jeune âge elle a été exposée à la musique; à l'âge de 14 ans, elle gagnait son premier concours de chanson.

Elle détenait un baccalauréat ès art de l'Université de Moncton, et une maîtrise en littérature de l'Université Laval. Son intérêt pour la musique lui a valu de nombreuses distinctions : l'Ordre du Canada, un doctorat honorifique de l'université de sa province natale, l'Ordre de la Pléiade, l'Ordre de l'Île-du-Prince-Édouard et membre honoraire de l'Association canadienne d'éducation en langue française, pour ne nommer que celles-là. Elle fut d'ailleurs nommée femme de l'année par l'Association internationale Zonta, une organisation qui se consacre à l'avancement du statut de la femme depuis 90 ans.

Elle a fait carrière à la radio et à la télévision. Elle a représenté le Canada au Festival international de musique de Spa, en 1980. En plus d'avoir fait plusieurs films soutenus par l'Office national du film du Canada, elle a reçu une marque de reconnaissance du Festival du film de Chicago, en 1974. Elle a également joué le rôle de Ticotine dans l'émission pour enfants Alphabus.

Angèle Arsenault a composé quelques-unes des plus belles chansons de la francophonie. On se souviendra de Grand-Pré, La grande vie, Y'a une étoile pour vous, Je suis libre, Je veux toute toute toute la vivre ma vie, Évangeline Acadian Queen et Moi j'mange.

Sa chanson Grand-pré, une ode à la déportation des Acadiens, est un véritable rassembleur pour les Acadiens et Acadiennes à travers le monde. Hymne d'espoir salue le courage et la détermination du peuple acadien; elle avait composé cette chanson pour le Congrès national acadien en 1994.

Angèle Arsenault a été une véritable locomotive pour les générations d'artistes qui l'ont suivie. Elle a ouvert la voie aux jeunes artistes acadiens grâce à sa simplicité, à sa modestie, à son authenticité et à sa grande générosité.

Elle est devenue une grande dame de la chanson; avec ses lunettes rondes et son beau sourire, ses mots simples et vrais, Angèle Arsenault a su toucher le cœur du public.

[Traduction]

La Saskatchewan

L'épinglette pour service militaire du lieutenant-gouverneur

L'honorable Pana Merchant : Honorables sénateurs, le mois dernier prenait fin la mission du Canada en Afghanistan, le plus important déploiement de forces militaires canadiennes depuis la Seconde Guerre mondiale. Des Canadiens et des Canadiennes y ont accompli leur devoir avec le plus grand professionnalisme et la plus grande distinction. Nous sommes extrêmement fiers d'eux et reconnaissants du service qu'ils ont rendu afin de contribuer à la paix, à la stabilité et à l'espoir dans cette région du monde fort agitée.

Tout au long de l'histoire canadienne, les femmes et les hommes de la Saskatchewan ont servi dans des guerres, de dangereuses missions de maintien de la paix et des opérations cruciales au pays. Ils ont consenti d'énormes sacrifices pour représenter notre nation et défendre ses principes de paix, de liberté et de justice.

L'épinglette du lieutenant-gouverneur pour service militaire est une initiative de la lieutenante-gouverneure de la Saskatchewan, Son Honneur l'honorable Vaughn Solomon Schofield.

[Français]

Mme Solomon Schofield, qui soutient ardemment les Forces canadiennes, a été présidente provinciale du Conseil de liaison des Forces canadiennes et est actuellement colonel honoraire du 38e Bataillon des services. En reconnaissance de ses nombreuses contributions, elle a reçu le prestigieux Médaillon des Forces canadiennes pour service distingué.

[Traduction]

L'épinglette pour service militaire du lieutenant-gouverneur vise à honorer ceux qui sont appelés à risquer leur vie pour leur pays. Elle est destinée à être portée en tenue civile, pour que les militaires soient reconnus également lorsqu'ils ne portent pas l'uniforme. Jusqu'à présent, plus de 4 000 épinglettes ont été remises. Il faut avoir vécu en Saskatchewan à un moment de sa vie pour en recevoir une. Ceci comprend ceux qui y ont vécu en raison d'une affectation ou d'une formation militaire; les membres actifs ou anciens des Forces armées canadiennes, qu'il s'agisse des Forces régulières, de la Réserve, de la Réserve supplémentaire ou des Rangers canadiens; ainsi que les agents, actifs ou anciens, des services policiers, y compris ceux des services municipaux et de la GRC, qui ont servi dans des opérations militaires. L'épinglette peut aussi être remise, à titre discrétionnaire, à des habitants de la Saskatchewan qui sont des membres actifs ou anciens de forces alliées, comme l'armée américaine ou celle d'un pays du Commonwealth.

L'épinglette symbolise la gratitude de la Couronne et des gens de la Saskatchewan. Il s'agit d'une récompense fort prisée; j'invite les sénateurs à recommander l'idée aux lieutenants-gouverneurs des autres provinces et territoires.

[Français]

L'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord

Le soixante-cinquième anniversaire

L'honorable Suzanne Fortin-Duplessis : Honorables sénateurs, je tiens à souligner aujourd'hui un remarquable anniversaire pour la communauté euro-atlantique. Le 4 avril 1949 à Washington, 12 États, dont le Canada, se sont entendus pour créer l'alliance politique et militaire qui connaîtra le plus grand succès de l'histoire, l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord.

Au lendemain du conflit mondial et de l'arrivée de l'Armée rouge sur les rives de l'Elbe, la nécessité de créer un contrepoids militaire était primordiale. Comme le mentionna le secrétaire général de l'OTAN, lord Ismay, « Keep the Americans in, keep the Russians out, and keep the Germans down » était le leitmotiv de l'Alliance atlantique.

L'Alliance atlantique était, et est toujours, une alliance politique avant d'être une alliance militaire. Les assises organiques et le caractère permanent de l'organisation lui confèrent une place unique au sein des alliances.

Lorsque nous faisons allusion à l'OTAN, c'est généralement son article 5 qui nous vient à l'esprit. Or, tous les articles importent puisqu'ils intensifient le caractère fondamentalement pacifique de l'alliance. D'ailleurs, ne serait-ce pas là la raison de la longévité de l'Alliance atlantique?

La prospérité économique et sécuritaire de l'Allemagne fait en sorte qu'encore aujourd'hui, l'OTAN est perçue comme un outil essentiel pour l'ancrage démocratique des États européens. Depuis la chute du rideau de fer, l'Alliance atlantique a su s'adapter aux défis en matière de sécurité et a invité de nombreux États à joindre ses rangs. En effet, l'adhésion de nouveaux États de l'Europe centrale et orientale témoigne de l'attrait que suscite toujours l'OTAN.

Plusieurs des nouveaux alliés et partenaires pour la paix voient en l'Alliance atlantique un instrument essentiel pour assurer la prise en compte de leurs intérêts au sein d'une communauté de valeurs.

(1350)

Du même souffle, j'aimerais souligner l'apport significatif des troupes canadiennes à la Force internationale d'assistance en Afghanistan. La plus longue et périlleuse mission de l'histoire de l'OTAN a, certes, amené son lot de difficultés et de peine, mais nos femmes et nos hommes en uniforme ont contribué honorablement à l'établissement d'un État de droit et à permettre aux Afghans d'espérer un avenir meilleur.

Permettez-moi de féliciter l'Alliance atlantique pour l'incroyable travail accompli précédemment ainsi que son secrétaire général sortant, le Danois Anders Fogh Rasmussen. Je tiens à offrir mes meilleurs vœux de succès à l'OTAN et à son nouveau secrétaire général désigné, le Norvégien Jens Stoltenberg.

[Traduction]

Les anciens combattants

L'honorable Catherine S. Callbeck : Honorables sénateurs, nous savons tous que le ministère des Anciens Combattants a fermé neuf bureaux régionaux au pays, notamment celui de ma province, l'Île-du-Prince-Édouard. Nous sommes la seule province qui n'a pas de bureau régional.

Après la fermeture, nous avons entendu parler d'anciens combattants qui ne recevaient plus le même niveau de service qu'avant. Un bénévole à la Légion royale canadienne a indiqué que le temps d'attente pour une visite à domicile, qui était de quelques jours, peut maintenant atteindre six semaines. Deux agents de service doivent désormais gérer le dossier des 2 200 anciens militaires de l'Île-du-Prince-Édouard, et ils travaillent du bureau régional de Saint John, au Nouveau-Brunswick.

Lors d'une entrevue, à la fin de janvier, Michelle Bradley, l'un des deux agents de service du ministère des Anciens Combattants, a déclaré ce qui suit aux journaux locaux :

Nous avons commencé à traiter les dossiers du bureau de Charlottetown. Je peux déjà voir que ce changement prolonge les délais d'attente. Les anciens combattants doivent attendre pendant des semaines avant qu'on les rappelle. Nous n'avons tout simplement pas le temps de leur offrir le service que leur offrait le bureau de Charlottetown.

Dans ma circonscription, je me suis moi-même occupée de la situation d'un ancien combattant de 95 ans dont le dossier est à Saint-Jean. À l'Île-du-Prince-Édouard, il n'y avait personne à qui s'adresser concernant ce dossier, que ce soit en personne ou par téléphone. La famille de cet homme a dû se résoudre à utiliser un numéro 1-800 simplement pour parler à une personne en chair et en os.

Nous apprenons maintenant que le ministère des Anciens Combattants lui-même commence à sérieusement s'inquiéter de la façon dont il parviendra à maintenir la qualité des services offerts aux anciens combattants avec tous ces changements. Le mois dernier, le ministère a publié son rapport sur les plans et les priorités pour l'exercice de 2014-2015. Le rapport comprend une analyse de risque, et deux des trois risques externes indiqués sont directement liés à la prestation des services.

Le premier risque est que « [...] la modernisation du mode de prestation des services d'ACC [Anciens Combattants Canada] ne soit pas terminée comme prévu et ne réponde pas aux besoins des vétérans, des membres des [Forces armées canadiennes] et de leurs familles ». Le deuxième risque qui a été invoqué est que « [...] la prestation de services de qualité risque d'être affectée en raison de la dépendance croissante d'ACC envers les partenaires et les fournisseurs de service des administrations fédérale, provinciales et municipales et également du secteur privé ».

Le gouvernement actuel ne devrait pas avoir besoin qu'on lui rappelle ses responsabilités à l'égard du bien-être des hommes et des femmes qui ont servi le Canada avec fierté et compétence. La fermeture des bureaux de district, la réduction de l'effectif d'Anciens Combattants Canada et le passage aux systèmes libre-service automatisés risquent tous d'avoir de terribles répercussions sur les anciens combattants les plus vulnérables. Même le ministère s'inquiète de ne pas être en mesure de leur offrir les soins dont ils ont besoin.

J'exhorte le gouvernement fédéral à revoir toute cette situation et à modifier son approche afin d'accorder la priorité aux anciens combattants.


AFFAIRES COURANTES

L'ajournement

Préavis de motion

L'honorable Yonah Martin (leader adjointe du gouvernement) : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que, lorsque le Sénat s'ajournera après l'adoption de cette motion, il demeure ajourné jusqu'au lundi 7 avril 2014, à 16 heures;

Que l'application de l'article 3-3(1) du Règlement soit suspendue le lundi 7 avril 2014.

Projet de loi sur la Journée nationale du violon traditionnel

Première lecture

L'honorable Elizabeth Hubley dépose le projet de loi S-218, Loi instituant la Journée nationale du violon traditionnel.

(Le projet de loi est lu pour la première fois.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la deuxième fois?

(Sur la motion de la sénatrice Hubley, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la séance d'après-demain.)

Le Groupe interparlementaire Canada-Japon

La visite annuelle des coprésidents au Japon, du 19 au 24 février 2011—Dépôt du rapport

L'honorable JoAnne L. Buth : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de la délégation parlementaire canadienne du Groupe interparlementaire Canada-Japon concernant sa participation à la visite annuelle des coprésidents au Japon, tenue à Tokyo, au Japon, du 19 au 24 février 2011.

L'Association parlementaire Canada-Afrique

La Mission bilatérale au Royaume du Maroc et en République de Côte d'Ivoire, du 29 septembre au 5 octobre 2013—Dépôt du rapport

L'honorable A. Raynell Andreychuk : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de la délégation parlementaire canadienne de l'Association parlementaire Canada-Afrique concernant sa participation à la mission bilatérale au Royaume du Maroc et en République de Côte d'Ivoire, tenue à Rabat, au Maroc, et à Abidjan et Yamoussoukro, en Côte d'Ivoire, du 29 septembre au 5 octobre 2013.


PÉRIODE DES QUESTIONS

La santé

L'autisme

L'honorable Jim Munson : Honorables sénateurs, ma question s'adresse évidemment au leader du gouvernement au Sénat. Monsieur le leader, vous n'étiez pas ici un peu plus tôt, mais plusieurs représentants de la communauté autiste de tout le pays étaient présents. Ce sont des gens très passionnés qui réclament davantage de mesures de la part du gouvernement.

Je me permets une brève introduction avant de poser ma question, parce que le Sénat accomplit vraiment un travail extraordinaire. Il n'y a pas si longtemps, il y a sept ans en fait, nous avons étudié un rapport intitulé Payer maintenant ou payer plus tard : Les familles d'enfants autistes en crise, présenté par Art Eggleton, qui était alors président du Comité des affaires sociales, et aussi par le Dr Keon. Ce dernier a été pour moi un mentor et il m'a encouragé à approfondir l'interpellation que j'avais entreprise, qui est ensuite devenue ce rapport sur lequel se fonde la communauté autiste pour réaliser ses travaux. Cela prouve, monsieur le leader, que nous pouvons produire des rapports ensemble, que nous pouvons faire bouger les choses et que nous l'avons fait dans le passé.

Au moment où nous avons publié ce rapport, le taux de prévalence de l'autisme était de une personne sur 166. La dernière fois que j'en ai parlé, il était passé à un sur 88. La semaine dernière, les Centers for Disease Control d'Atlanta ont annoncé qu'il était maintenant de un sur 68, soit une hausse de 30 p. 100. Tout cela en l'espace de quelques années, et les choses vont empirer.

Monsieur le leader du gouvernement, le pays connaît une crise. Votre gouvernement a pris certaines mesures fort importantes, mais ce dont il est question, c'est de leadership. Votre gouvernement est-il prêt à prendre la situation en main?

Dans le contexte, peu m'importe le gouvernement, pourvu qu'il agisse.

(1400)

Si quelqu'un prend les choses en main, fait preuve de leadership et adopte un plan d'action national concernant l'autisme, j'en serais ravi. Le gouvernement est-il prêt à assumer un rôle de chef de file à cet égard?

[Français]

L'honorable Claude Carignan (leader du gouvernement) : Merci pour votre question, sénateur Munson.

Vous comprendrez que même si, quelquefois, je peux être à l'extérieur de la Chambre, dans mon bureau, pour préparer la période des questions, je prête toujours l'oreille aux débats et aux déclarations qui sont faites par les sénateurs. Je veux donc vous rassurer quant au fait que je porte attention aux déclarations des sénateurs.

Évidemment, notre gouvernement est aussi à l'écoute des personnes qui sont dans le besoin, particulièrement, comme vous l'avez souligné, les familles qui ont des enfants qui souffrent d'autisme.

Notre gouvernement veut faire avancer la recherche pour aider les autistes et leur famille. Depuis 2006, nous avons investi 33,5 millions de dollars directement dans la recherche sur l'autisme. Nous avons aussi annoncé une nouvelle chaire de recherche à l'Université York qui étudiera comment améliorer les traitements, les soins donnés aux Canadiens ayant un trouble du spectre de l'autisme pendant toute leur vie.

Et, comme je l'ai déjà mentionné — et je pense que vous l'avez remarqué —, le Plan d'action économique de 2014 a bonifié l'appui aux personnes atteintes du spectre autistique par des investissements dans l'initiative Prêts, désireux et capables et la création de centres de formation professionnelle à leur intention.

Le plan ajoute également à la liste des dépenses admissibles aux crédits d'impôt pour frais médicaux le coût de la conception des plans de traitements personnalisés, notamment la thérapie d'analyse appliquée du comportement pour les enfants autistes.

C'est une liste de quelques réalisations et d'engagements de notre gouvernement depuis 2006 qui montre bien la volonté d'améliorer la santé et la qualité de vie des personnes atteintes d'autisme ainsi que de leur entourage.

[Traduction]

Le sénateur Munson : Merci de votre réponse. Bien entendu, dans le budget, des millions de dollars ont été alloués à la formation professionnelle, qui est extrêmement importante, et aux programmes d'emploi visant les personnes autistes, notamment le programme Prêts, désireux et capables. J'en félicite le gouvernement. De plus, pour donner suite au rapport Payer maintenant ou payer plus tard, nous avons annoncé aujourd'hui la mise sur pied du tout premier système de surveillance, qui sera sous la responsabilité de l'Agence de santé publique, afin de recueillir nos propres données. Croyez-le ou non, tous les chiffres que je présente proviennent des Centers for Disease Control and Prevention, situés à Atlanta, en Géorgie.

Certes, il faut y aller progressivement, mais je me demande, monsieur le leader, si le gouvernement est prêt à franchir la prochaine étape. Pour les sénateurs de ce côté-ci, la prochaine étape est la suivante : le gouvernement fédéral doit convoquer une rencontre entre les ministres fédéral et provinciaux. Aujourd'hui, aux côtés de la ministre Bergen, j'ai pris la parole devant une foule de 200 à 300 personnes rassemblées sur la Colline du Parlement. Nous étions sur la même longueur d'onde elle et moi. Nous semblons nous approcher de plus en plus de l'objectif que, selon moi, nous poursuivons tous. Le gouvernement est-il prêt à convoquer une rencontre de toute urgence? Il y a une crise, une véritable épidémie d'autisme. Ne serait-il pas judicieux, pour dire les choses simplement et honnêtement, que le gouvernement convoque une rencontre de ce genre avec les ministres provinciaux?

[Français]

Le sénateur Carignan : Sénateur Munson, comme vous le savez, nous agissons de façon concrète, et la liste des éléments que j'ai soulevés sont des aspects concrets.

J'aimerais vous rappeler que nous avons également versé plus d'un milliard de dollars à Génome Canada pour appuyer la recherche de pointe sur des sujets comme l'autisme. Dans le cadre d'un partenariat avec des groupes d'intervenants, nous encourageons également la recherche et travaillons dans le but d'améliorer la santé des personnes atteintes d'autisme.

Il nous apparaît donc important, comme dans la plupart des autres dossiers ou sujets qui méritent notre attention, de procéder par des actions concrètes qui ont un impact dans le milieu et dans la vie des Canadiens, et particulièrement dans la vie des personnes atteintes d'autisme et de leur famille.

[Traduction]

Le sénateur Munson : J'aimerais poser une brève question complémentaire. Êtes-vous d'accord avec l'idée de convoquer une rencontre nationale-provinciale sur l'autisme? Si vous ne pouvez pas répondre directement à cette question, pourriez-vous, votre bureau et vous, user de votre influence auprès du Cabinet et du premier ministre pour les convaincre de la pertinence d'une telle rencontre? C'est vraiment ce que souhaite le milieu de l'autisme et c'est aussi ce que recommandaient les sénateurs, tant conservateurs que libéraux, dans leur rapport de 2007.

[Français]

Le sénateur Carignan : Sénateur Munson, puisque vous m'en faites la demande, je peux m'engager à faire connaître à la ministre de la Santé votre préoccupation et le souhait que vous formulez aujourd'hui.

[Traduction]

Les affaires étrangères

La vente de résidences diplomatiques

L'honorable Percy E. Downe : Le leader du gouvernement au Sénat se souviendra que, l'an dernier, je lui ai posé une question sur les projets concernant la vente de la résidence de l'ambassadeur du Canada à Rome. Je lui saurais gré de faire le point sur ce dossier.

[Français]

L'honorable Claude Carignan (leader du gouvernement) : Bonne question, sénateur. Je peux vous revenir avec un état plus précis de la situation. Vous comprendrez que, bien que ce soit un dossier important, ce n'est pas un dossier qui est mis à jour de façon quotidienne sur mon bureau, mais je vous répondrai à ce sujet au cours des prochaines semaines.

[Traduction]

Le sénateur Downe : Merci beaucoup. Je vous en suis reconnaissant. Permettez-moi de vous rappeler certains des commentaires que vous avez formulés l'an dernier. Je suis sûr que c'est toujours ce que vous pensez. Lorsque je vous ai posé une question à ce sujet, vous m'avez répondu, et je cite :

Comme je l'ai déjà expliqué, on essaie d'utiliser les ressources financières des Canadiens de la façon la plus efficiente possible et, lorsqu'on met des résidences étrangères en vente [...], on veut s'assurer que les Canadiens peuvent en avoir pour leur argent [...]

Pourriez-vous nous expliquer pourquoi le gouvernement est en train de vendre tant de propriétés diplomatiques dans des marchés déprimés? Par exemple, à Buffalo, aux États-Unis, le gouvernement du Canada a fait appel à une entreprise, KLW Residential Inc., pour évaluer la propriété qui appartient à l'État canadien à cet endroit. L'entreprise a affirmé qu'elle valait 905 000 $. Étant donné que ce marché est en plein marasme, elle s'est vendue à 759 000 $, soit un écart de 146 000 $. Je me demande s'il s'agit d'une utilisation efficiente de l'argent des contribuables.

[Français]

Le sénateur Carignan : Comme vous le savez, sénateur, notre gouvernement respecte les contribuables en dépensant judicieusement leur argent et a l'intention de voir à ce que la diplomatie canadienne utilise de façon optimale les deniers publics. On s'assure et on s'assurera de faire en sorte que cette règle d'utilisation judicieuse des deniers publics soit respectée par la diplomatie canadienne.

[Traduction]

Le sénateur Downe : Je vous remercie de votre réponse, qui est très semblable à celle que vous avez donnée la dernière fois que je vous ai posé la question. Vous aviez dit ceci :

Notre gouvernement respecte les contribuables en dépensant judicieusement leur argent [...]

Pourriez-vous alors expliquer la vente d'une propriété de Port of Spain, dont la valeur a été estimée à 2 133 000 $? Nous l'avons fait évaluer par la firme locale G.A. Farrell & Associates, puis nous l'avons vendue pour 1,7 million de dollars, encore une fois dans un marché déprimé, c'est-à-dire 416 000 $ de moins que le prix demandé. Est-ce une bonne chose pour les contribuables canadiens?

[Français]

Le sénateur Carignan : Sénateur, vous semblez développer une expertise dans le courtage immobilier et dans l'évaluation des propriétés.

(1410)

Je n'ai pas cette expertise, mais, comme je l'ai dit plus tôt et puisque vous m'avez cité, notre gouvernement veut s'assurer et s'assurera que les Canadiens profitent de façon optimale de la vente de ces propriétés.

Vous semblez avoir une expertise internationale en évaluation immobilière. Je n'ai pas cette prétention et je transmettrai votre préoccupation au ministre.

[Traduction]

Le sénateur Downe : À vrai dire, le spécialiste de l'immobilier est à ma gauche, mais il n'est pas intervenu dans ce dossier.

J'ai reçu l'information que je détiens du gouvernement du Canada. J'ai la liste ici. Je peux vous la lire, si cela vous intéresse.

Vous avez aussi dit ce qui suit :

Nous nous attendons à ce que l'argent des Canadiens soit utilisé de façon optimale.

Vous parliez alors des ventes de résidences diplomatiques. Je me demande si vous pourriez nous parler de l'évaluation de la propriété diplomatique à Stockholm, qui a été faite par une firme locale, et nous dire pourquoi nous l'avons mise en vente pour 8,4 millions de dollars canadiens et vendue pour 5,8 millions de dollars canadiens. C'est 2,6 millions de moins que ce que nous demandions. Est-ce là faire bon usage de l'argent des contribuables canadiens?

[Français]

Le sénateur Carignan : Comme je l'ai expliqué, il s'agit d'optimiser la valeur de l'argent des Canadiens. Un ensemble de facteurs peuvent justifier une vente à la hausse ou à la baisse d'une propriété, tels que la condition de la propriété, le marché, le type de bâtiment et les obligations de maintien culturel ou patrimonial.

Vous vous êtes référé à l'expert immobilier à votre gauche; on peut lui demander quels sont les facteurs qui influencent à la baisse ou à la hausse la valeur d'un bâtiment. Vous pourriez ainsi trouver des éléments de réponse concernant les prix de vente de ces bâtiments.

[Traduction]

Le sénateur Downe : Peut-être que le leader du gouvernement ne comprend pas ce qu'est une évaluation, mais le gouvernement du Canada a retenu les services de firmes locales précisément pour déterminer la valeur de la propriété, en tenant compte de tous les facteurs que vous venez de mentionner.

Permettez-moi de vous donner un autre exemple. Nous sommes tous au courant de la situation actuelle sur le marché irlandais — situation qui, manifestement, soulève des inquiétudes. Le marché irlandais est assez déprimé. Nous avons fait appel à la firme d'évaluation HOK de Dublin. Elle a évalué la valeur de la propriété de Dublin à 26 826 000 $. Nous l'avons vendue — et j'espère que vous êtes bien assis, car vous pourriez commencer à vous inquiéter sérieusement, si ce n'est déjà fait — nous l'avons vendue, dis-je, pour 17 631 000 $. C'est une différence de plus de 9 millions de dollars. La dernière fois que je vous ai posé des questions sur la vente de la résidence de Rome, vous avez dit ceci :

Le plan est assez simple [...] Le gouvernement respecte les contribuables en dépensant judicieusement leur argent [...]

Comment pouvons-nous être sûrs que nous n'allons pas perdre une petite fortune à Rome comme lorsque nous avons vendu certaines autres propriétés malgré un marché déprimé? En quoi peut-on affirmer que l'argent des contribuables est utilisé judicieusement?

[Français]

Le sénateur Carignan : Le sénateur aimerait-il nous indiquer quels étaient les facteurs qui faisaient en sorte que la propriété était évaluée à ce prix? Quels facteurs dans l'étude permettaient de demander ce prix?

Peut-être avez-vous déjà vendu l'une de vos propriétés à la baisse? Peut-être avez-vous déjà acheté une propriété pour moins cher que ne le précisait l'évaluation municipale? Je ne peux pas commenter les différents critères du marché de la vente de propriétés dans le monde. Cependant, si vous avez cette expertise, tant mieux, peut-être que cela vous permettra de faire des investissements intéressants à l'étranger.

Pour ce qui est de notre cas, nous demandons à la diplomatie canadienne de s'assurer que la valeur de l'argent des contribuables soit optimisée et que les Canadiens en aient au maximum pour leur intérêt.

[Traduction]

Le sénateur Downe : Je tiens à préciser une chose. Je ne parlais pas de la valeur par rapport à l'évaluation municipale, mais de la valeur marchande, déterminée par des experts. Le gouvernement du Canada a embauché des spécialistes. Les documents que j'ai en main ont été produits par le gouvernement du Canada. Peut-être que la nuance s'est perdue à l'interprétation, ou que vous avez mal entendu. Je parle ici de la valeur marchande, déterminée par des experts, et du prix de vente. La différence est là. Nous avons perdu beaucoup d'argent. Bien des Canadiens se demandent ce que fait le gouvernement. Je vous ai déjà posé une question sur notre propriété de Rome, et j'attends votre réponse avec impatience.

[Français]

Le sénateur Carignan : Je ne connais pas l'évaluation municipale non plus, mais vous avez fait la démonstration de vos connaissances en immobilier et en courtage, et j'espère que c'est un talent que vous allez continuer à développer. Cependant, en ce qui a trait à notre gouvernement, on s'assure — et cela est très clair en ce qui concerne les directives transmises à la diplomatie canadienne — que, lorsqu'il y a une disposition d'actifs, on le fait dans l'intérêt supérieur des Canadiens.

L'honorable Roméo Antonius Dallaire : La résidence de Rome nous a été offerte par les Italiens pour nous remercier de notre participation à la Seconde Guerre mondiale. Elle ne nous a rien coûté en dollars, mais une fortune en sang. Quelle était la grande nécessité de faire un profit — ou, encore pire, une perte — avec la vente d'une propriété symbolisant notre présence sur un territoire en période de guerre? Y a-t-il des raisons valables pour vendre ce type de propriété? N'y a-t-il pas des raisons valables pour les garder, ne serait-ce que pour leur valeur symbolique considérable?

Le sénateur Carignan : Plus tôt, on nous reprochait de ne pas avoir fait un profit assez intéressant et maintenant on nous reproche le contraire. Toute une contradiction.

Vous connaissez notre gouvernement et vous savez que nos décisions sont rationnelles et basées sur des normes strictes en vue d'optimiser la valeur de l'argent des Canadiens.

[Traduction]

La réforme démocratique

Le projet de loi sur l'intégrité des élections

L'honorable Larry W. Campbell : Honorables sénateurs, j'ai ici la question qu'un citoyen aimerait poser concernant la réforme démocratique. Le citoyen en question s'appelle Ian Sapollnik et il habite à Richmond, en Colombie-Britannique. Normalement, je ne l'aurais pas posée, vu qu'elle porte sur l'opinion d'un caucus, mais comme le sénateur Runciman a demandé hier ce que le caucus libéral indépendant en pensait, j'ai décidé de foncer.

Dans un article publié dans le National Post, 160 spécialistes des plus grandes universités du Canada ont critiqué le projet de loi C-23, Loi sur l'intégrité des élections. Ils prétendent qu'il empêchera Élections Canada de garantir aussi bien qu'avant l'équité du processus électoral. En effet, le projet de loi C-23 va accroître l'influence du parti au pouvoir, de ses députés et des grands donateurs sur l'ensemble du régime électoral. Il interdira en outre à Élections Canada d'inciter les citoyens à aller voter ou d'informer le grand public des irrégularités recensées. De nombreux Canadiens pourraient également perdre leur droit de vote si on interdit l'utilisation de la carte d'information de l'électeur.

Voici la question que pose M. Sapollnik :

Le caucus conservateur du Sénat va-t-il appuyer un projet de loi qui nuirait autant à la démocratie?

Elle s'adresse au leader du gouvernement au Sénat.

[Français]

L'honorable Claude Carignan (leader du gouvernement) : Avant de dire cela, vous devriez accepter d'étudier le projet de loi afin de l'analyser à son mérite.

Nous croyons que les réformes contenues dans le projet de loi sont importantes, comme dans tous les projets de loi du gouvernement.

Nous avons déposé la Loi sur l'intégrité des élections parce que nous souhaitons que les changements proposés soient adoptés.

Le directeur général des élections a été clair quand il a dit que les réformes doivent être mises en place avant la prochaine élection. C'est le directeur général des élections lui-même qui a insisté pour que la réforme soit mise en place avant la prochaine élection.

(1420)

Le projet de loi C-23 met en œuvre 38 recommandations formulées par le directeur général des élections. Il prévoit plus d'une douzaine de nouvelles infractions, ce qui facilitera la tâche au commissaire pour contrer l'influence de l'argent, des appels trompeurs et des votes frauduleux.

La Loi sur l'intégrité des élections protège les électeurs contre les appels trompeurs. Elle prévoit la création d'un registre obligatoire des appels au public, des peines d'emprisonnement pour les personnes se faisant passer pour des membres du personnel électoral et des sanctions accrues pour les personnes qui trompent des électeurs dans le but de les empêcher de voter. Elle élimine également l'échappatoire en matière de prêt lié à la politique qui a permis au Parti libéral d'accepter des centaines de milliers de dollars en contributions illégales simplement en les qualifiant de dette non remboursée.

Les Canadiens peuvent choisir 2 des 39 formes de pièce d'identité pour voter, y compris des cartes d'identité d'étudiant, et il n'est pas nécessaire de présenter des pièces d'identité avec photo. Ce n'est qu'un exemple des éléments de la Loi sur l'intégrité des élections que j'ai cités et qui montrent clairement une volonté de notre gouvernement de favoriser des élections plus démocratiques, plus équitables et un système qui évitera la fraude électorale.

[Traduction]

Le sénateur Campbell : C'est très bien, honorable leader. Le problème, c'est que vous choisissez les recommandations du directeur des élections qui font votre affaire. Lui et moi nous entendons sur le fait que des changements s'imposent. Malheureusement, plusieurs des modifications proposées réduiront les pouvoirs du directeur des élections en ce qui a trait à l'intégrité des élections, au financement des campagnes, à la présence de personnes partisanes aux bureaux de scrutin, et j'en passe.

Je comprends bien que votre gouvernement doit s'accrocher à l'histoire pour faire valoir son point de vue. D'ailleurs, il passera lui-même à l'histoire avec ses idées folles et la façon dont il dirige le pays.

Si vous respectez le directeur des élections autant que vous le prétendez, pourquoi ne pas simplement donner suite à ses recommandations et apporter les changements qui, selon lui, seraient utiles? Je me permets d'ajouter qu'on ne parle pas seulement d'un directeur des élections, mais bien de directeurs de l'ensemble du Canada. Pourquoi ne pas simplement s'en remettre à leurs connaissances et apporter les changements qui montreront aux Canadiens que vous voulez vraiment réformer le système électoral plutôt que de le trafiquer pour remporter les prochaines élections?

Des voix : Oh, oh!

Le sénateur Tkachuk : Prouvez-le!

[Français]

Le sénateur Carignan : Trente-huit des recommandations du directeur général des élections ont été retenues et plusieurs changements sont apportés. J'aimerais aussi mentionner le fait qu'on ajoute un jour de vote par anticipation pour un total de quatre à la journée du scrutin, ce qui permettra à un plus grand nombre d'électeurs de voter.

Le Québec est actuellement en période électorale. Pour le vote par anticipation, il y a des journées qui sont ajoutées. Il y a eu une participation record au vote par anticipation grâce à l'ajout d'une journée. Imaginez ce qu'on pourra faire avec quatre journées de vote par anticipation. Cela augmentera le niveau de disponibilité pour exercer son droit de vote. C'est une mesure qui favorise le vote et la démocratie.

Je pense que vos commentaires sont sans fondement et si vous acceptez de faire l'étude préliminaire, le projet de loi sera renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, auquel vous siégez. Vous serez à même de constater la qualité de ce projet de loi.

Vous avez été maire, vous avez participé à des élections. J'ai aussi participé à des élections comme organisateur, candidat, directeur adjoint au scrutin. J'ai siégé au conseil consultatif du directeur général des élections du Québec. J'ai lu le projet de loi C-23 et je peux vous dire qu'il s'agit d'un excellent projet de loi.

[Traduction]

Le sénateur Campbell : Honorable leader, je ne remets certainement pas en question votre aptitude à faire campagne ou à être élu. Cela va sans dire.

Le problème, c'est l'empressement avec lequel on nous demande de nous prononcer, illustré par le nombre de projets de loi omnibus qui sont présentés et le recours à l'attribution de temps.

Ma question pour vous est simple. C'est vous qui avez dit que le directeur général des élections avait réclamé ces changements. À entendre votre réponse, on croirait qu'il a sauté de joie lorsque le projet de loi a été présenté. Nous savons bien que ce n'est pas vrai. Nous savons que le directeur des élections de la Colombie-Britannique a dénoncé la mesure et a exprimé certaines réserves.

Encore une fois, je suis tout à fait disposé à accepter les conclusions du directeur des élections sur les changements nécessaires, et je crois que le Sénat serait prêt à les adopter. Cependant, vous ne pouvez pas, d'un côté, encenser le directeur des élections, et de l'autre, le diaboliser. Vous choisissez les conclusions du directeur des élections qui font votre affaire.

Je ne crois pas que nous devrions examiner un projet de loi avant même qu'il nous soit renvoyé par l'autre endroit, mais c'est un autre sujet.

Voici ma question. Ne voudriez-vous pas dire à votre parti que nous pourrions tous adopter ce projet de loi en très peu de temps si on éliminait tout simplement ces dispositions qui poseront des difficultés aux Canadiens qui veulent voter?

Le sénateur Tkachuk : Comme les dispositions sur l'identification?

[Français]

Le sénateur Carignan : La sénatrice Fraser a dit elle-même qu'elle avait été victime d'usurpation de vote, que quelqu'un avait voté à sa place. Pour moi, c'est inacceptable, et si la loi actuelle donne ouverture à ce type d'usurpation, je pense que la loi doit être modifiée.

Le projet de loi C-23 prévoit 39 différents moyens d'identifier un électeur et de confirmer son adresse. Il m'apparaît légitime, dans une démocratie, qu'une personne puisse s'identifier par le biais de documents appropriés, d'autant plus qu'une quantité importante de cartes sont admissibles. Cela ne privera pas l'électeur d'exprimer son vote et au moins, on saura qui exprime son vote.

[Traduction]

L'infrastructure

L'amélioration de la transmission d'électricité entre l'Île-du-Prince-Édouard et le Nouveau-Brunswick

L'honorable Catherine S. Callbeck : Honorables sénateurs, je prends la parole relativement aux travaux du Sénat.

Le 28 janvier, j'ai demandé au leader du gouvernement au Sénat quand le gouvernement fédéral allait s'engager à partager le coût de l'amélioration de la transmission d'électricité entre l'Île-du-Prince-Édouard et le Nouveau-Brunswick. Comme je l'ai dit, l'installation d'une troisième ligne de transmission sous-marine devient de plus en plus urgente.

Le leader a pris la question en note et a dit que j'allais obtenir une réponse très détaillée dans les semaines à venir. C'était il y a deux mois. Je n'ai toujours pas reçu de réponse, et je me demande quand je peux m'attendre à la recevoir.

L'honorable Claude Carignan (leader du gouvernement) : Cela pourrait prendre deux ans.

[Français]

Nous préparons la réponse à cette question et dès que nous l'aurons reçue, nous la déposerons, comme à l'habitude.

[Traduction]

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, un sénateur a parfaitement le droit d'invoquer le Règlement, comme vient de le faire la sénatrice Callbeck, et elle a reçu une réponse du leader du gouvernement au Sénat.


ORDRE DU JOUR

Les travaux du Sénat

L'honorable Yonah Martin (leader adjointe du gouvernement) : Honorables sénateurs, conformément à l'article 4-13(3) du Règlement, j'informe le Sénat que, lorsque nous passerons aux affaires du gouvernement, le Sénat abordera les travaux dans l'ordre suivant : la motion no 28, suivie par tous les autres points dans l'ordre où ils figurent au Feuilleton.

(1430)

La Loi électorale du Canada

Projet de loi modificatif—Fixation de délai—Adoption de la motion

L'honorable Yonah Martin (leader adjointe du gouvernement), conformément au préavis donné le 1er avril 2014, propose :

Que, conformément à l'article 7-2 du Règlement, pas plus de six heures de délibérations additionnelles soient attribuées à l'étude de la motion no 26 sous la rubrique « Affaires du gouvernement », portant sur l'étude de la teneur du projet de loi C-23, Loi modifiant la Loi électorale du Canada et d'autres lois et modifiant certaines lois en conséquence.

— Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui au sujet de la motion d'attribution de temps, qui prévoit que, conformément à l'article 7-2 du Règlement, pas plus de six heures de délibérations additionnelles soient attribuées à l'étude de la motion no 26 portant sur l'étude de la teneur du projet de loi C-23, Loi modifiant la Loi électorale du Canada et d'autres lois et modifiant certaines lois en conséquence.

Il s'agit d'une motion importante qui allouera au maximum six heures pour le débat sur une motion visant à approuver l'étude de la teneur du projet de loi C-23 avant que celui-ci soit étudié par le Sénat.

Comme je l'ai mentionné hier, ce projet de loi est complexe. Il comprend plusieurs aspects techniques liés à la façon dont les Canadiens peuvent exercer leur droit de vote et à la conduite des responsables des élections, de même que d'autres aspects importants.

Le projet de loi C-23 a été lu pour la première fois à la Chambre des communes le 4 février 2014. Il a ensuite été lu pour la deuxième fois le 10 février 2014, et il a été renvoyé au Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre le même jour.

Si une étude préalable de la teneur du projet de loi était menée à l'étape de cette étude en comité, le Sénat aurait l'occasion de l'examiner simultanément. Les sénateurs pourraient donc mieux connaître et comprendre cette mesure législative très importante et ainsi exercer une certaine influence dans le cadre de ce processus.

Nous avons longuement débattu de l'importance d'une étude préalable. Les sénateurs ont soulevé des questions à la période des questions et au cours des discussions en caucus. Nous espérions arriver à une entente avec nos collègues d'en face, mais, malheureusement, nous n'y sommes pas parvenus, ce qui nous a conduits au débat d'aujourd'hui sur l'attribution de temps.

J'invite tous les sénateurs à appuyer cette importante motion, afin que nous puissions permettre au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles d'entreprendre dès maintenant l'étude préalable du projet de loi C-23.

L'honorable James S. Cowan (leader de l'opposition) : Honorables sénateurs, je ne puis m'empêcher de penser que ce débat nous a fait passer dans une espèce d'étrange univers parallèle, de l'autre côté du miroir d'Alice au pays des merveilles. Sous prétexte de promouvoir la démocratie, le gouvernement a eu recours au bâillon pour étouffer — avant même qu'il ait lieu — le débat sur une motion visant à court-circuiter la procédure parlementaire habituelle d'examen des mesures législatives et à obliger la Chambre de second examen objectif à étudier le projet de loi fort controversé du gouvernement sur la réforme électorale avant même que l'autre endroit en ait achevé l'étude. De plus, comme le gouvernement se dit ouvert aux amendements, il se pourrait fort bien — c'est à espérer — que le projet de loi que nous finirons par recevoir ne ressemble pas du tout à celui qu'il voudrait nous faire étudier maintenant.

Dans sa très brève intervention d'hier, et dans celle d'aujourd'hui, à l'appui de la motion tendant à autoriser l'étude préalable du projet de loi, la leader adjointe du gouvernement a dit que nous devrions entreprendre cette étude parce que, et je cite :

[...] ce projet de loi est complexe et il soulève plusieurs questions d'ordre technique sur la façon dont les Canadiens peuvent exercer leur droit de vote et dont le personnel électoral doit se comporter, ainsi que sur d'autres sujets importants.

Les Canadiens s'attendent à ce que les parlementaires prennent toutes les mesures nécessaires pour effectuer une étude approfondie et complète de cette mesure législative importante. Voilà pourquoi nous croyons que le Sénat, par l'entremise du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, devrait entreprendre l'étude dès maintenant afin de disposer d'assez de temps pour examiner le projet de loi maintenant et lorsqu'il nous sera renvoyé.

C'est une citation de la leader adjointe du gouvernement.

Dans sa très brève intervention, la leader adjointe n'a pas laissé entendre que cette question était particulièrement urgente.

Permettez-moi de vous rappeler l'histoire de cette triste saga, honorables sénateurs. En mars 2012 déjà — il y a de cela deux ans, honorables collègues —, alors que la colère des Canadiens montait en raison des détails entourant le scandale des appels automatisés, le gouvernement Harper avait promis qu'il présenterait des modifications à la Loi électorale. En fait, en mars 2012, les conservateurs ont appuyé une motion à l'autre endroit et ont promis d'adopter des réformes dans un délai de six mois, donc d'ici septembre 2012.

Avançons d'une année, à avril 2013. Le ministre de la Réforme démocratique de l'époque, Tim Uppal, était censé déposer son projet de loi d'initiative ministérielle le 18 avril 2013 — il y a près d'un an. Une séance d'information technique pour les médias a été organisée. Or, la veille, le gouvernement a changé d'avis et a annoncé que le projet de loi ne serait pas déposé comme promis.

Il a attendu jusqu'en février de cette année pour déposer sa mesure législative, soit 10 mois durant lesquels aucun projet de loi n'a été présenté et aucun examen des propositions du gouvernement n'a eu lieu et n'a pu être fait.

Il n'est pas étonnant que la leader adjointe du gouvernement n'essaie même pas de laisser entendre que son gouvernement a fait de son mieux pour respecter des délais serrés et que le Sénat doit collaborer à l'étude pressante de ce projet de loi.

Honorables collègues, tout cela s'est fait derrière des portes closes. D'après les médias, certains sénateurs membres du caucus conservateur auraient été consultés — en fait, ce serait pour cette raison que l'avant-projet de loi d'avril 2013 est passé à la trappe —, mais ni les Canadiens ni le directeur général des élections, la personne responsable de surveiller l'application de la Loi électorale, ne l'ont été.

Honorables sénateurs, comparez ce processus à la façon dont les changements antérieurs à la Loi électorale du Canada ont été élaborés, puis étudiés par le Parlement. Pour ne citer qu'un seul exemple, en 1996, le gouvernement que dirigeait alors le premier ministre Jean Chrétien a présenté une série d'importants changements à la Loi électorale du Canada. Ceux-ci mettaient en œuvre, notamment, la liste électorale permanente et la période électorale de 36 jours.

De vastes consultations publiques ont été menées, les propositions ont été présentées à un comité de l'autre endroit, qui a demandé à ses membres d'en discuter avec leur caucus, puis des changements ont été apportés à la lumière des recommandations reçues. Ces consultations ont été suivies de longues délibérations au Parlement, notamment d'un examen préalable effectué par un comité de la Chambre des communes, puis bon nombre d'amendements ont été apportés, dont plusieurs, pour citer le ministre de l'époque, « tenaient compte de la préoccupation compréhensible de l'opposition selon laquelle toute réforme électorale ne doit pas se faire à l'avantage d'un parti particulier ou au détriment des autres ».

Par la suite, il n'a pas été question d'examen préalable par le Sénat. Nous avons reçu le projet de loi selon la procédure normale, y compris tous les amendements que l'autre endroit, dans sa sagesse, avait jugé bon d'adopter après son étude approfondie. Le Sénat procéda comme d'habitude à l'étude sérieuse et complète du projet de loi — à un second examen objectif.

Dans le cas du projet de loi C-23, l'ensemble du processus a été complètement différent et l'unanimité de l'opposition qu'il a soulevée dans tout le pays est saisissante.

Le directeur général des élections du Canada, qui a insisté pour que le gouvernement procède à une réforme électorale, a présenté un tableau volumineux de 12 pages qui explique en détail les amendements qu'il juge nécessaire d'apporter au projet de loi.

L'ancien directeur général des élections, Jean-Pierre Kingsley, a dit au cours de son témoignage à l'autre endroit qu'il avait regardé le témoignage de M. Mayrand télédiffusé par CPAC et qu'il était d'accord avec lui.

M. Kingsley a été très clair : il faut modifier le projet de loi C-23 avant de l'adopter. Permettez-moi de lire cet extrait de son témoignage dans lequel il parle d'un amendement qu'il juge essentiel. Il dit ceci :

Je serai clair : si l'article 18 est modifié comme le prévoit actuellement le projet de loi, les Canadiens perdront la confiance qu'ils ont actuellement dans le processus électoral. Cela n'est pas acceptable.

Le Globe and Mail a pris l'initiative, pour la première fois de son histoire, à ce que je sache, de consacrer une semaine entière d'éditoriaux aux problèmes relatifs au projet de loi C-23, tous intitulés « Pas si vite, M. Poilievre ».

Or, on demande au contraire aux sénateurs de précipiter les choses.

Cent soixante politologues d'universités partout au pays ont écrit une lettre ouverte, publiée dans le National Post, pour protester contre le projet de loi C-23. Celle-ci commençait ainsi :

Nous, soussignés, professeurs de diverses universités canadiennes qui étudions les principes, les institutions et le droit des démocraties constitutionnelles, croyons que la Loi sur l’intégrité des élections consignée au projet de loi C-23, si elle devait être adoptée, mettrait à mal ce qui est au cœur de la démocratie de notre pays : le suffrage […] aux élections fédérales.

Nous demandons au gouvernement d’écouter les demandes d’une plus vaste consultation sur ce projet de loi. Nous reconnaissons que notre système électoral a besoin d’une réforme, mais estimons que ce projet de loi contient des dispositions qui réduiraient l’équité et la transparence des élections fédérales ainsi que, plus généralement, la participation politique.

(1440)

Au lieu de tenir de plus vastes consultations, le gouvernement nous menace d'actionner le couperet de l'attribution de temps pour précipiter l'adoption du projet de loi.

Si le gouvernement veut vraiment que nous fassions une étude préliminaire, pourquoi ne pas laisser le comité se déplacer pour écouter les Canadiens dont le droit démocratique le plus fondamental est en jeu? Pourquoi faut-il une attribution de temps? Pourquoi ne pas avoir un débat en bonne et due forme concernant l'importance et la portée de l'étude préliminaire?

Si le gouvernement souhaite véritablement entendre d'autres points de vue, le projet de loi C-23 sera largement amendé avant d'être renvoyé au Sénat. Sur quoi exactement portera alors notre étude préliminaire?

J'ai mentionné que l'opposition à ce projet de loi dépasse nos frontières. Dix-neuf politologues et universitaires de l'étranger, provenant de contrées aussi éloignées que l'Australie et la Nouvelle-Zélande, de même que du Royaume-Uni, de l'Irlande, du Danemark et des États-Unis, ont écrit une lettre pour exprimer leur vive inquiétude à l'égard du projet de loi. Ils se disent « préoccupés de voir la réputation du Canada sur la scène internationale en tant que gardien de la démocratie et des droits de la personne menacée par l'adoption du projet de loi sur l'intégrité des élections ».

Chers collègues, voulons-nous vraiment procéder de cette manière? Le projet de loi C-23 et la façon dont on l'impose — il n'y a pas d'autre manière de le dire — est sans précédent et, bien franchement, inacceptable.

Nous voulons que tous les Canadiens sachent, sans l'ombre d'un doute, que leurs élections sont au-dessus de tout soupçon, que leur voix sera entendue le jour des élections. Les sénateurs voyagent de par le monde pour défendre les principes fondamentaux de la démocratie. Comment pouvons-nous ne pas répondre à l'appel de nos concitoyens, à l'heure où ils sont légion à nous écrire pour nous supplier de ralentir le processus, de veiller à ce que la Loi sur l'intégrité des élections soit véritablement une loi sur l'intégrité des élections?

Nous formons la Chambre de second examen objectif. Notre tâche fondamentale, ou notre raison d'être, consiste à examiner les projets de loi de l'autre Chambre, dans la forme où ils ont été adoptés par celle-ci. L'étude des projets de loi ne s'effectue pas en parallèle, car cela n'aurait plus aucun sens.

Le projet de loi a été décrié à l'unanimité. Le gouvernement n'a pas clairement indiqué s'il accepterait ou non de l'amender. Si le projet de loi qui nous est transmis devait s'avérer très différent de celui qu'on nous a demandé d'étudier — ce que semble réclamer la grande majorité des Canadiens —, nous sommes en droit de nous demander pourquoi nous devrions l'étudier maintenant, dans sa forme actuelle.

Quoi qu'il en soit, le gouvernement nous invite à en faire un examen préalable, au motif qu'il est véritablement ouvert aux suggestions. Chers collègues, nous savons tous que, fort de sa majorité, le gouvernement obtiendra l'examen préalable qu'il souhaite obtenir.

Pour notre part, nous comptons prendre le gouvernement au mot. Bien que nous nous opposions à un examen préalable, nous allons néanmoins participer à ce qui sera, nous osons le croire, une étude sérieuse, réfléchie et exhaustive. Nous avons bon espoir qu'il sera possible de garantir que les témoins souhaitant être entendus puissent comparaître devant le comité.

J'espère que le comité directeur envisagera sérieusement de se déplacer, afin d'entendre les Canadiens exprimer leur point de vue au sujet du projet de loi, lequel frappe au cœur de leur droit démocratique le plus fondamental.

À l'issue de l'examen préalable, nous tenons pour acquis que le comité produira un rapport reflétant de manière juste et honnête les témoignages entendus. Nous prenons le gouvernement au mot lorsqu'il affirme qu'il écoutera les propositions que nous lui ferons. Après tout, c'est le but de l'exercice.

Enfin, j'espère que rien de tout cela ne servira de prétexte pour écourter l'étude que nous ferons du projet de loi qui sera ultimement adopté par la Chambre des communes, au moment où nous serons appelés à exercer notre rôle de second examen objectif.

Chers collègues, certains ont affirmé que le Sénat est particulièrement bien placé pour examiner le projet de loi puisque ses membres n'ont aucun intérêt direct dans l'application des dispositions de celui-ci. J'en conviens. C'est d'ailleurs l'une des raisons pour lesquelles le Sénat a toujours exercé avec le plus grand sérieux son rôle qui consiste à étudier les modifications proposées à la Loi électorale au cours des années et des décennies antérieures.

Je m'oppose à la motion. Essentiellement, je crois qu'aucune raison valable ne justifie que nous dérogions à notre rôle traditionnel de second examen objectif.

Cependant, si la majorité des sénateurs décide que nous devrions réaliser cet examen préalable, entendons-nous alors pour que cela se fasse avec tout le sérieux et toute la rigueur que mérite ce projet de loi, qui porte sur le plus important droit des Canadiens, à savoir le droit de voter dans le cadre d'élections justes.

Rien n'est plus essentiel au bon fonctionnement de notre démocratie. Ne l'oublions pas.

L'honorable Joan Fraser (leader adjointe de l'opposition) : Honorables sénateurs, je tiens à souligner que ce qui est en train de se passer au Sénat revêt une importance historique. Nous allons faire quelque chose qui n'a jamais été fait au Sénat. Jamais.

La majorité gouvernementale s'apprête à imposer l'attribution de temps pour un examen préalable. C'est du jamais vu. De plus, je n'ai pas entendu une seule raison qui justifierait qu'on le fasse maintenant. Permettez-moi de vous dire, chers collègues, qu'on établira ainsi un précédent déplorable et très grave. Il s'agit d'une manœuvre de procédure antidémocratique qui vise à faire adopter à toute vapeur un projet de loi qui aura une incidence sur les droits les plus précieux des Canadiens et qui pourrait même aller à l'encontre de certains des droits énoncés dans la Charte canadienne des droits.

Je ne pense pas exagérer en disant que c'est une idée complètement absurde.

En soi, une étude préalable peut être utile, et le Sénat en a réalisé des centaines. Habituellement, elles sont tout à fait justifiées. Par exemple, il se peut qu'une étude préalable soit nécessaire à cause d'une échéance externe. La fin d'une année financière approche, et l'autre endroit nous envoie un projet de loi très, très tard, comme à son habitude. Nous devons en faire l'étude à toute vitesse. Ou encore, il se peut qu'il y ait urgence. Beaucoup de sénateurs se rappelleront l'étude préalable que nous avons faite de la Loi antiterroriste, lorsqu'elle a été présentée au Parlement dans sa première mouture. Le monde entier considérait qu'il était urgent d'adopter de tels projets de loi. Notre étude préalable s'est faite dans le sérieux et la réflexion, et le gouvernement de l'époque a accepté nos recommandations. C'est ainsi que les études préalables réalisées par le Sénat peuvent être utiles et devraient l'être.

Cependant, à l'heure actuelle, rien ne me porte à croire qu'il existe une raison valable d'effectuer une étude préalable. Lorsque la sénatrice Martin nous a donné préavis qu'elle présenterait une motion d'attribution de temps, elle a précisé, comme les règles l'exigent, qu'elle avait été incapable de s'entendre avec l'opposition. L'expression « incapable de s'entendre » implique qu'on a essayé d'arriver à une entente par des consultations, voire des négociations avec l'autre parti. On suppose que le gouvernement a fait un effort pour communiquer sa position, écouter les objections de l'autre camp, faire des compromis ou offrir des garanties acceptables, de manière à obtenir le consentement de l'opposition afin de procéder d'une certaine manière. En guise de garantie, le gouvernement pourrait indiquer à l'opposition, par exemple, qu'il sera prêt à considérer des amendements au projet de loi à la suite de l'étude préalable ou qu'il acceptera que le comité tienne des audiences à divers endroits au pays. Or, nous n'avons reçu aucune garantie de ce genre.

Je tiens à dire que mes observations ne visent pas personnellement la sénatrice Martin, qui s'acquitte de ses fonctions avec rigueur et professionnalisme...

Des voix : Bravo!

La sénatrice Fraser : ... dans des circonstances que j'estime parfois difficiles, comme elles peuvent effectivement l'être pour nous.

Nous sommes tenus dans l'ignorance. Premièrement, pourquoi y a-t-il urgence? Où est l'urgence? En consultant la presse, nous apprenons que certains éléments du projet de loi doivent être adoptés d'ici la fin de juin, si je comprends bien ce que dit le leader du gouvernement. Lesquels, et pourquoi? Nous ne le savons pas. On ne nous l'a pas dit. Il y a peut-être une bonne raison, mais on ne nous l'a pas donnée.

(1450)

La sénatrice Cordy : Pour ce qui est des consultations, on repassera.

La sénatrice Fraser : Quelle sera la date limite pour cet examen préalable? Aucun délai n'est prévu dans la motion principale à cet égard. Nous devons précipiter l'adoption de la motion afin de mener l'examen préalable, mais nous ne savons pas combien de temps durera l'examen lui-même.

Toutefois, je remarque que la motion d'amendement du sénateur Runciman laisse entendre qu'on procédera rapidement à l'examen préalable, puisqu'elle suppose que le Comité des affaires juridiques et constitutionnelles siégera même si le Sénat siège ou s'il est ajourné. Cela se produit habituellement seulement quand des pressions sont exercées sur le comité pour qu'il prenne une décision rapidement.

Le sénateur D. Smith : On peut vraiment parler de pression dans ce cas.

La sénatrice Fraser : Comme le leader de l'opposition vient de le demander, quel sera exactement l'objet de l'étude? Nous ne savons pas ce que va nous soumettre la Chambre des communes. Après avoir écouté en fin de semaine diverses entrevues avec le ministre responsable, M. Poilievre, j'ai cru comprendre que le comité de la Chambre des communes sera saisi du projet de loi pendant un mois. Est-ce que le projet de loi sera le même quand le comité aura complété son étude? Si la réponse est non, pourquoi faisons-nous cet examen préalable?

Qu'en est-il des déplacements? Le sénateur Carignan a dit à plusieurs reprises dans cette enceinte que le comité n'aurait pas besoin de se déplacer aux fins de l'examen préalable. Hier, le sénateur Runciman a laissé entendre que le comité pourrait envisager la possibilité de se déplacer « lorsque le projet de loi sera renvoyé au Sénat ». C'est ce qui est écrit dans les Débats du Sénat. Le sénateur a bien parlé du « projet de loi », et non de l'examen préalable. Or, si le comité n'est pas autorisé à se déplacer, alors que ce serait justement le motif le plus impérieux de l'examen préalable, quelle est l'urgence de réaliser cet examen? Je ne comprends pas.

Le gouvernement sera-t-il disposé à accepter des amendements? Allons, quelle question! Le sénateur Runciman, un autre sénateur d'en face pour qui j'ai le plus grand respect, a affirmé hier que nous avons maintenant une véritable occasion de changer les perceptions, « en intervenant dès le début du processus » d'adoption des lois au Parlement. Et si c'était vrai. Comme je l'ai dit plus tôt, cette approche fondamentale est l'une des meilleures raisons pour le Sénat de mener un examen préalable sur un projet de loi.

Selon certains articles de journaux aujourd'hui — pas beaucoup, mais certains —, M. Poilievre aurait dit au caucus de mes amis d'en face qu'il serait peut-être ouvert à des amendements. Or, aucun ministériel n'a tenu de tels propos publiquement. Le premier ministre et le ministre n'ont rien dit qui puisse laisser croire que, selon eux, leur projet de loi puisse être amélioré. En fait, c'est même plutôt le contraire.

Je vais citer des propos qu'aurait tenus le leader du gouvernement au Sénat et qui ont été rapportés aujourd'hui dans le Globe and Mail. Le leader du gouvernement aurait écarté les préoccupations des experts, notamment des 160 experts dont le sénateur Cowan et le sénateur Campbell ont parlé. Le sénateur Carignan aurait déclaré ce qui suit :

Je ne crois pas que les avis des experts soient judicieux [...] Je comprends très bien le projet de loi et, à mon avis, il s'agit d'un très bon projet de loi.

Voilà qui règle la question. Pourquoi devrions-nous mener un examen préalable? Et, surtout, pourquoi devrions-nous imposer l'attribution de temps sur une motion concernant l'examen préalable?

L'examen préalable est censé être une mesure concertée et réfléchie visant à étudier en profondeur les projets de loi complexes. S'il y avait lieu de croire qu'une étude en profondeur pourrait avoir un quelconque effet sur le projet de loi, les sénateurs de ce côté-ci seraient probablement plus ouverts à cette idée, du moins à celle de l'examen préalable, mais certainement pas à celle de l'attribution de temps.

Le sénateur Nolin a cité sir John A. Macdonald le 30 janvier dernier dans l'une de ses nombreuses et remarquables interpellations au Sénat. Macdonald a dit ceci au sujet de la constitution du Parlement du Canada :

Nous profiterons de l'ultime liberté constitutionnelle : les droits de la minorité seront respectés.

Le sénateur Nolin nous a expliqué que la minorité dont parle Macdonald est l'opposition politique. Le sénateur en est arrivé à une sage conclusion :

C'est effectivement seulement dans un régime parlementaire que la majorité doit prendre en compte les griefs et les intérêts de l'opposition politique, et ne saurait les réprimer.

En l'occurrence, l'« opposition politique » s'étend d'un océan à l'autre; elle ne se limite pas à la Colline du Parlement.

Au fond, je préférerais ne pas être cynique...

L'honorable Ghislain Maltais (Son Honneur le Président suppléant) : Demandez-vous qu'on prolonge votre temps de parole, sénatrice Fraser?

La sénatrice Fraser : Moins d'une minute.

Des voix : D'accord.

La sénatrice Fraser : Je vous remercie.

Au fond, je préférerais ne pas être cynique, mais plutôt agréablement surprise par la façon dont les choses vont se dérouler. C'est vraiment ce que je préfèrerais. Cette question est tellement importante. Il faut faire les choses comme il se doit.

Pour prouver sa bonne foi, le gouvernement devrait abandonner cette motion d'attribution de temps et permettre plutôt la tenue d'un débat sur la motion d'examen préalable, sans employer la manière forte. Commençons par discuter des véritables enjeux. Nous nous comprendrons peut-être mieux les uns les autres et nous pourrons alors en arriver à un compromis satisfaisant.

[Français]

L'honorable Claudette Tardif : Honorables sénateurs, je souhaite me prononcer contre cette motion d'attribution de temps. Comme il l'a fait si souvent au cours de cette 41e législature, le gouvernement veut encore une fois imposer sa volonté en cette Chambre par l'utilisation d'une motion de guillotine.

Lorsqu'ils siégeaient dans l'opposition, des membres du gouvernement — dont le premier ministre lui-même — dénonçaient le recours à l'attribution de temps en parlant d'intimidation et de guillotine. Ils disaient alors que le gouvernement voulait museler le Parlement et user de son pouvoir pour s'accorder davantage de pouvoirs. Les ministres de ce gouvernement ont non seulement changé d'idée, mais ils ont fait de ces tactiques procédurales leur marque de commerce pour faire adopter des projets de loi à toute vapeur ou pour museler toute opposition au Parlement et au sein de la population.

Il y a une tendance inquiétante qui se dessine depuis que le gouvernement a remporté la majorité à l'autre endroit. À plusieurs reprises nous l'avons vue, tant ici qu'à l'autre endroit. Le gouvernement recourt à des stratagèmes procéduraux pour étouffer le débat sur des mesures législatives controversées.

C'est encore plus ridicule de débattre aujourd'hui d'une telle mesure d'attribution de temps pour une motion d'étude préalable sur la teneur d'un projet de loi. Le gouvernement veut précipiter l'adoption d'une motion qui vise à accélérer l'étude d'un projet de loi qui suscite présentement énormément de controverse.

[Traduction]

Honorables sénateurs, l'imposition de la clôture pour une motion sur un examen préalable est très différente de l'imposition de la clôture pour l'étude d'un projet de loi. Une demande d'examen préalable reçoit normalement l'approbation des partis. Cependant, comme Andrew Coyne l'a indiqué, à juste titre, dans une chronique parue récemment dans le National Post :

[...] ce n'est pas un gouvernement normal. Il ne fonctionne pas comme d'habitude, et il se croit au-dessus des règles habituelles.

Il est stupéfiant que le gouvernement veuille imposer la clôture pour une motion portant sur ce genre de demande. Comme l'a dit la sénatrice Fraser, c'est du jamais vu. À ce que je sache, dans toute l'histoire du Sénat, le gouvernement n'a jamais imposé la clôture pour une motion sur un examen préalable.

Vous vous souviendrez peut-être que le gouvernement a tenté cette manœuvre procédurale en 2011, dans le contexte du débat sur le projet de loi sur la Commission canadienne du blé. J'étais leader adjointe à cette époque. Les efforts déployés par le gouvernement en vue d'imposer l'attribution de temps à l'égard d'une motion visant la tenue d'un examen préalable avaient donné lieu à un tel méli-mélo procédural que des sénateurs s'étaient sentis obligés d'invoquer le Règlement et que le gouvernement avait dû retirer sa motion. Comme je l'ai mentionné plus tôt, le gouvernement a souvent eu recours à des tactiques procédurales pour bloquer ou pour précipiter les débats sur ses projets de loi. Toutefois, la motion dont nous sommes saisis aujourd'hui constituerait un précédent scandaleux.

(1500)

Qui plus est, comme l'ont dit les sénateurs Cowan et Fraser, nous n'avons pas entendu d'arguments raisonnables qui expliqueraient pourquoi le Parlement devrait étudier à toute vapeur ce projet de loi litigieux. Ces outils sont mis à la disposition du gouvernement pour composer avec des situations d'urgence, et non pour forcer la main à ceux qui ne sont pas d'accord avec lui. Aujourd'hui, la motion présentée par le gouvernement pour limiter le temps consacré à débattre d'une motion visant l'examen préalable d'un projet de loi controversé est un autre exemple troublant de cette façon de faire les choses.

[Français]

Pourquoi le gouvernement est-il si pressé d'adopter ce projet de loi? Au cours des dernières semaines, plusieurs éléments de ce projet de réforme électorale ont été décriés par tous les partis de l'opposition à l'autre endroit, par le directeur général des élections du Canada, M. Marc Mayrand, par l'ancien directeur général des élections du Canada, M. Jean-Pierre Kingsley, par l'auteur du rapport d'enquête sur l'élection fédérale de 2011, M. Neufeld, par des fonctionnaires des gouvernements provinciaux, par des experts universitaires de partout au pays et de l'étranger et par des milliers de Canadiens qui ont signé des pétitions et envoyé des lettres ou des courriels aux parlementaires de cette Chambre et de l'autre endroit.

Dans ce contexte, et dans le contexte d'un climat politique tendu, dans lequel des allégations de fraude électorale demeurent en suspens, la moindre des choses serait de permettre aux deux Chambres de notre système parlementaire de prendre le temps de faire une analyse de ce projet de loi dans le cours normal du processus législatif.

Malgré la critique sévère à l'égard de nombreuses mesures de cette réforme électorale, le gouvernement présume que le projet de loi sera adopté à l'autre endroit sans aucune modification importante. Quel message cela envoie-t-il aux députés de tous les partis qui s'affairent actuellement à examiner ce projet de loi? Cela en dit beaucoup sur la volonté du gouvernement d'accepter des amendements tant à l'autre endroit que dans cette Chambre. Apparemment, les seuls amendements qui seraient considérés par le gouvernement sont ceux issus de conversations privées au sein du caucus conservateur.

Honorables sénateurs, la Loi électorale du Canada n'est pas une loi ordinaire. Elle est au cœur de notre processus démocratique. Son rôle est de fournir un cadre équitable et impartial pour le fonctionnement des élections pour tous les Canadiens et tous les partis politiques. Lorsqu'on parle de réforme, de loi électorale et de démocratie, cela devrait faire l'objet de larges consultations afin, si possible, d'en arriver à un consensus. Tout changement apporté aux normes électorales devrait être effectué avec la plus grande prudence. Malheureusement, au lieu d'être à l'écoute des Canadiens et des partis de l'opposition, le gouvernement veut étouffer le débat et précipiter l'adoption de son projet de loi.

Personne ne nie le fait que certaines réformes à nos lois électorales soient nécessaires d'ici la prochaine élection fédérale. Cependant, il y a un décalage important entre la teneur de ce projet de loi actuellement débattu à l'autre endroit et les mesures réclamées par les experts en la matière, le directeur général des élections du Canada et l'ensemble des membres de la société civile qui se sont prononcés sur la question.

[Traduction]

Honorables sénateurs, compte tenu de cette opposition et de ces critiques généralisées, il est absurde que le gouvernement demande aux sénateurs d'accepter d'accélérer l'étude d'un projet de loi aussi crucial pour notre processus démocratique, surtout quand on sait que les spécialistes nous disent que cette mesure législative risque de priver de leur droit de vote les membres des groupes qui sont déjà les plus susceptibles de ne pas pouvoir voter au sein de notre société. Un projet de loi qui porte sur l'intégrité de notre processus électoral et le droit de vote mérite de faire l'objet d'un débat et d'une consultation beaucoup plus vastes. Le Sénat a justement pour objectif de représenter le point de vue des minorités politiques, des plus démunis, des jeunes Canadiens et des Autochtones. Or, tous ces groupes seront touchés par le projet de loi en question. Sommes-nous vraiment disposés à faire adopter ce projet de loi à toute vitesse par le Parlement?

On ne peut justifier une politique en répétant un slogan. Ce qu'on appelle « l'intégrité des élections » est un principe auquel adhèrent tous les Canadiens et l'objectif commun de tous les parlementaires et de tous les partis. La légitimité du régime politique dans son ensemble dépend de l'administration juste et équitable des procédures électorales. Il est capital que ces règles soient longuement débattues en toute ouverture et transparence.

Je recommande vivement aux sénateurs de voter contre cette motion de guillotine et j'invite le gouvernement à écouter les nombreux appels à tenir des consultations plus vastes pour s'assurer que les modifications importantes apportées à nos lois électorales font l'objet d'un débat parlementaire et d'un débat public complets.

L'honorable Jane Cordy : Honorables sénateurs, ça recommence : nous avons un autre projet de loi ministériel très controversé et litigieux dont l'étude au Parlement est expédiée par le gouvernement pour le soustraire à un examen public en bonne et due forme. Malheureusement, le mépris total pour l'institution du Parlement et un effort soutenu pour miner le travail du Sénat sont maintenant choses courantes pour le présent gouvernement. Trop souvent, la leader adjointe du gouvernement au Sénat présente des motions d'attribution de temps pour limiter davantage la capacité du Sénat à faire son travail, un second examen objectif, comme il a été prévu.

Au contraire, le gouvernement semble croire que plus on limite l'étude des projets de loi, les discussions et les consultations, mieux on légifère. Malheureusement, cette façon de procéder n'apporte rien à la démocratie. C'est la première fois dans l'histoire qu'une motion d'attribution de temps est présentée pour un examen préalable.

Le projet de loi C-23, Loi sur l'intégrité des élections, est la dernière mesure législative du gouvernement en date dont l'étude au Sénat est expédiée. Beaucoup de Canadiens s'opposent à ce projet de loi. Presque tous les spécialistes ont déclaré publiquement que c'était un mauvais projet de loi et qu'il fallait l'amender pour le rendre acceptable pour les Canadiens.

Et voilà qu'on nous demande aujourd'hui d'étudier le projet de loi C-23 avant même qu'il ne soit adopté par l'autre endroit. Le ministre de la Réforme démocratique a dit qu'il se pouvait qu'il soit amendé. Comment pourrons-nous obtenir l'avis des spécialistes sur ces amendements si nous faisons une étude préalable du projet de loi avant que ce dernier ne soit adopté par l'autre endroit? Nous ferions preuve de mépris pour cette institution, sans compter que nous serions loin de rendre service aux Canadiens. Le Sénat est censé être la Chambre de second examen objectif. Pourquoi devrait-il adopter ce projet de loi à la hâte? Pourquoi nous impose-t-on l'attribution de temps alors que les prochaines élections n'auront pas lieu avant l'automne 2015? Qu'est-ce qui presse tant? M. Harper aurait-il l'intention d'enfreindre la loi sur les élections à date fixe et de se lancer en campagne électorale dès cet automne?

Le sénateur D. Smith : Loi qu'il a lui-même fait adopter.

La sénatrice Cordy : Loi qu'il a lui-même fait adopter, effectivement.

Honorables sénateurs, si je pensais que la tenue d'une étude préalable pouvait changer quoi que ce soit, je serais la première à en réclamer une, mais je crois plutôt qu'elle ne changera absolument rien. Si je pensais que les Canadiens pourraient mieux se faire entendre si nous tenions une étude préalable, je serais la première à dire que c'est la voie à suivre, mais je ne crois pas que ce sera le cas. Si je pensais que la tenue d'une étude préalable donnerait le temps au comité de sillonner le pays pour donner la chance à tous les Canadiens d'exprimer leur point de vue, je serais la première à me déclarer en faveur d'une étude préalable mais, à en croire ce que me disait le sénateur Carignan jeudi dernier, ce serait étonnant.

Honnêtement, si on pouvait me garantir que le comité se rendrait en région, je voterais en faveur de l'étude préalable. Si j'étais sûre que la majorité conservatrice au comité transmettrait au Sénat les modifications et les amendements proposés par les spécialistes du pays, par l'actuel directeur général des élections ou par son prédécesseur, je dirais que c'est une bonne idée de tenir une étude préalable. Malheureusement, je crains que cela ne sera pas le cas.

(1510)

J'ai beaucoup de respect pour les études que font les comités du Sénat. En tant que membre du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration, qui établit les budgets des comités, je suis toujours impressionnée par l'éventail d'études entreprises dont notre sous-comité est saisi.

Le Comité de l'agriculture mène une excellente étude sur les abeilles, leur importance pour le secteur agricole et les difficultés entraînées par la diminution de leur population.

Le Comité des pêches mène une excellente étude sur l'aquaculture et examine les processus et régimes réglementaires au Canada. Il espère également étudier ce qui se fait ailleurs — comme en Norvège et en Écosse, où l'aquaculture est très fructueuse — et amener le Canada à s'inspirer des pratiques exemplaires en vigueur dans ces pays.

Nous savons que le Comité des transports et des communications mène une étude sur la Société Radio-Canada, qui est d'un grand intérêt pour beaucoup de Canadiens.

Le Comité de l'énergie continue de faire de l'excellent travail; ses rapports ne penchent ni en faveur de l'industrie ni en faveur de l'environnement.

Le Comité des affaires sociales, dont je suis membre, a effectué une étude sur la santé mentale et les maladies mentales que citent encore aujourd'hui les experts au Canada. Ce comité a également étudié la question de l'autisme, et nous avions aujourd'hui à notre tribune des intervenants du milieu de l'autisme. Grâce au travail acharné du sénateur Munson, nous avons institué la Journée nationale de sensibilisation à l'autisme. Nous avons mené des études sur la question de la pauvreté et des essais cliniques. Nous examinons actuellement la question des effets indésirables des produits pharmaceutiques.

Les comités sénatoriaux produisent d'excellents rapports qui illustrent leur travail exceptionnel; les sénateurs ont de quoi être fiers.

Malheureusement, il arrive beaucoup trop souvent que les comités adoptent à toute vitesse, sans proposer aucun amendement, des projets de loi gouvernementaux présentant de graves lacunes. Pendant un certain temps, le Comité des affaires sociales n'acceptait même pas que des observations soient incluses sous forme d'annexe à ses rapports sur les projets de loi d'initiative ministérielle.

Lorsque je pense aux projets de loi qui sont adoptés à toute vitesse, ce sont les projets de loi omnibus qui me viennent à l'esprit. Par exemple, le projet de loi C-38 comptait 452 pages et plus de 700 dispositions. Cela n'a pas empêché le gouvernement d'imposer l'attribution de temps dans ce cas, et le projet de loi a été étudié à la hâte en comité.

Honorables sénateurs, nous sommes censés être la Chambre de second examen objectif. On me demande assez souvent quelles sont, à mon avis, les responsabilités les plus importantes du Sénat. Je réponds alors que nous devons être la Chambre de second examen objectif et que nous devons représenter notre province et notre région au Sénat.

Honorables sénateurs, j'ai reçu d'innombrables courriels et lettres au sujet du projet de loi C-23. J'ai également discuté de cette mesure législative, qu'on appelle la Loi sur l'intégrité des élections, avec plusieurs personnes de ma province, la Nouvelle-Écosse. Les Canadiens et les habitants de la Nouvelle-Écosse sont très préoccupés par le projet de loi C-23 et ses répercussions sur la démocratie dans notre pays. Les préoccupations exprimées par les gens de la Nouvelle-Écosse et les Canadiens devraient être examinées attentivement par le Sénat du Canada. C'est notre responsabilité.

Si, comme sir John A. Macdonald l'a déclaré, nous sommes la Chambre de second examen objectif, et si notre rôle consiste à représenter nos régions, les minorités et ceux qui ont besoin de se faire entendre, dans ce cas nous devrions examiner soigneusement le projet de loi C-23. Au lieu de cela, honorables sénateurs, on nous demande une fois de plus d'accélérer l'étude d'une mesure législative. Il est devenu coutumier pour la sénatrice Martin de prendre la parole au nom du gouvernement pour présenter une motion d'attribution de temps. Dans ce cas, il est question de la motion du gouvernement portant sur l'étude de la teneur du projet de loi C-23.

Nous sommes saisis d'une motion d'attribution de temps portant sur une motion d'étude préalable. Selon moi, il faut recourir avec modération aux études préalables, mais, depuis que les conservateurs sont au pouvoir, elles sont devenues la norme. Selon moi, il faut aussi recourir avec modération aux motions d'attribution de temps, mais elles aussi sont devenues la norme. La sénatrice Martin semble proposer chaque semaine une nouvelle motion d'attribution de temps. C'est dommage. parce que le Sénat est censé être la Chambre de second examen objectif et que nous sommes supposés représenter les gens de notre région ainsi que l'ensemble des Canadiens. Or, nous voilà encore une fois saisis d'une motion d'attribution de temps sur une motion du gouvernement. Le gouvernement conservateur fait encore une fois tout ce qui est en son pouvoir pour accélérer l'adoption d'un projet de loi.

S'il s'agissait d'une bonne mesure législative et si l'étude préalable permettait d'y apporter des modifications, il ne serait alors pas nécessaire d'imposer une motion d'attribution de temps. Hélas, cette motion semble servir à réduire des Canadiens au silence. On y a recours pour réduire au silence les gens de ma province, la Nouvelle-Écosse. La motion d'attribution de temps sert à faire taire les nombreux experts. Puis-je avoir cinq minutes de plus?

Des voix : Non.

La sénatrice Cordy : La motion d'attribution de temps sert à faire taire les nombreux experts qui ont comparu...

[Français]

Son Honneur le Président suppléant : Je suis désolé, mais le temps de parole de l'honorable sénatrice est écoulé.

[Traduction]

Votre temps de parole est écoulé.

La sénatrice Cordy : Puis-je avoir cinq minutes de plus?

[Français]

Son Honneur le Président suppléant : Malheureusement, votre temps de parole est écoulé.

[Traduction]

La sénatrice Cordy : Ne puis-je pas avoir encore cinq minutes de plus?

Des voix : Non.

Une voix : Mais ils ont accepté.

La sénatrice Cordy : Je peux avoir cinq minutes de plus. Merci.

Son Honneur le Président suppléant : Non, votre temps de parole est écoulé. Vous ne disposez que de 10 minutes. Vos 10 minutes sont écoulées. Je suis désolé.

La sénatrice Cordy : Puis-je avoir une minute de plus? La sénatrice Fraser en a eu une.

Une voix : Non!

[Français]

Son Honneur le Président suppléant : Plaît-il aux honorables sénateurs d'accorder une minute de plus à la sénatrice Cordy?

Des voix : D'accord.

Son Honneur le Président suppléant : Sénatrice Cordy, vous avez une minute.

[Traduction]

La sénatrice Cordy : Vous êtes bien bon, Votre Honneur. Merci.

Les projets de loi concernant les élections ont toujours fait l'objet d'un examen minutieux et d'un consensus entre tous les partis. Il en a toujours été ainsi, et la consultation et l'accord entre tous les partis politiques devraient être la norme. En fait, le directeur général des élections, M. Mayrand, n'a même pas été consulté au sujet de ce projet de loi.

Comme le sénateur Cowan l'a dit au cours de son intervention, il est paradoxal que nous soyons saisis d'un projet de loi concernant les élections, le projet de loi C-23, qui porte sur le droit de vote et la démocratie, et qu'une motion d'attribution de temps soit présentée pour limiter le débat là-dessus. Cette motion est sans précédent. Aucun gouvernement n'a jamais présenté de motion d'attribution de temps au sujet d'une motion visant une étude préalable. Il y a une raison à cela : c'est parce que c'est mal.

Son Honneur le Président suppléant : Nous reprenons le débat. Le sénateur Moore a la parole pour 10 minutes.

L'honorable Wilfred P. Moore : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui pour ajouter mes observations à celles de mes collègues.

Avec le projet de loi C-23, le gouvernement se mêle d'affaires qui devraient toujours être tenues loin de toute motivation politique. Il ne faut absolument pas perdre de vue que nous débattons en ce moment d'une attribution de temps concernant l'étude d'un projet de loi qui porte sur la modification des règles de la démocratie. Le fait que le gouvernement recoure à une telle tactique au sujet d'une étude préalable en dit long. La limitation du débat sur une telle question n'aidera pas du tout le Sénat.

En fait, le gouvernement songe aux critiques dont le Sénat a été l'objet au cours des dernières années relativement à son efficacité en tant qu'institution. Je cite les propos du sénateur Runciman, tirés du hansard d'hier, lorsqu'il a déclaré ceci :

Au cours de la dernière année ou plus, on a reproché à cette institution d'être inefficace et de ne pas vraiment avoir d'incidence sur les lois. Nous avons maintenant une véritable occasion de changer la façon dont elle est perçue en intervenant au début du processus d'adoption. Malheureusement, plutôt que d'en profiter, l'opposition semble jouer à des jeux politiques [...]

(1520)

Je rappelle à tous les sénateurs, en particulier ceux qui siègent en face, que le chef de leur parti, le premier ministre Harper, a fait tout ce qu'il a pu, depuis 2006, pour malmener le Sénat chaque fois qu'il en a eu l'occasion. Il a poursuivi les attaques qu'avaient commencées ses prédécesseurs, MM. Day et Manning.

Si vous vous souvenez bien, en 2006, lors de son premier voyage officiel à l'étranger, il n'a pas pu s'empêcher de s'attaquer au Sénat en pleine Chambre des communes australienne. Quelle petitesse.

Ce comportement met d'ailleurs en évidence le problème de l'absence d'un porte-parole pour le Sénat. Si notre Président était élu par les sénateurs, nous pourrions compter sur lui pour nous représenter et repousser les attaques de ce genre. Il serait en mesure de faire valoir avec autorité le bon travail effectué dans cette enceinte. Nous ne serions pas obligés d'endurer, sans porte-parole, les coups mesquins que nous assènent ces gens.

Effectuer une étude préalable d'un projet de loi d'initiative ministérielle n'est pas de nature à rehausser notre image dans l'opinion publique. C'est en accomplissant notre travail, c'est-à-dire en débattant rigoureusement des questions qui nous sont soumises, que nous susciterons le respect de la population. Le gouvernement présentera peut-être des amendements. Je n'en sais rien. Le ministre a laissé entendre que ce pourrait être le cas, alors, d'ici là, il ne sert à rien de parler d'une étude préalable. Nous devrions attendre, car nous ne connaissons même pas exactement de quoi il sera question.

Le gouvernement envisage certainement d'apporter des modifications au projet de loi, puisque les gens qui se sont exprimés à ce sujet ont manifesté une forte opposition presque à l'unanimité. Mes collègues en ont nommé beaucoup, y compris d'anciens titulaires du poste de directeur général des élections, des experts du système électoral, des intellectuels canadiens et étrangers, des groupes de défense de la démocratie et des citoyens inquiets. Nous devons voir ce projet de loi dans sa forme définitive avant de pouvoir discuter des conséquences qu'il aurait. Lorsque le leader du gouvernement au Sénat pourra nous confirmer que le projet de loi sera bel et bien adopté tel quel par l'autre endroit, nous l'étudierons. Cependant, cette confirmation ne nous a pas encore été donnée. Il devrait peut-être nous assurer que, de concert avec ses collègues de l'autre endroit, il verra à nous faire savoir ce que sera le produit final.

Comme je l'ai mentionné plus tôt, je ne vois pas comment nous pouvons parler de l'examen préalable d'un document dont nous n'avons même pas vu la version finale; l'autre endroit ne l'a pas encore adopté. Le leader peut peut-être également nous assurer que tous les témoignages figureront dans le rapport du comité, y compris ceux des témoins qui n'approuvent pas ce projet de loi. Ou s'agira-t-il d'un autre rapport majoritaire qui muselle ceux qui s'opposent à ce projet de loi?

En terminant, je vais citer un extrait d'un article publié dans le Globe and Mail d'hier. Le voici :

Le gouvernement conservateur tente de réécrire la loi fondamentale de notre système démocratique. Ce faisant, il va à l'encontre de la volonté de l'opposition, des experts et de l'organisme non partisan responsable des élections, ainsi que des faits. Quelle est la réponse du gouvernement? Il n'en fait qu'à sa tête [...]

[...] Pourquoi? Parce que.

Parce qu'il en a la possibilité. C'est la tyrannie atypique de la majorité. Votons tous contre cette motion. Pour ma part, c'est ce que je ferai.

L'honorable Catherine S. Callbeck : Honorables sénateurs, j'aimerais dire quelques mots au sujet de cette motion et exprimer ma déception.

Il est vraiment difficile de croire que le gouvernement essaie de limiter le débat sur une question aussi importante. Je pense qu'il ne faudrait jamais apporter à la hâte des modifications à la Loi électorale du Canada, autrement dit au fondement de notre démocratie. En tant que sénateurs, nous devons pouvoir prendre le temps et examiner toutes les mesures législatives.

Chaque fois que nous avons un débat sur une motion d'attribution de temps, je me pose la question suivante : « Pourquoi prive-t-on le Sénat et les Canadiens d'un débat sain sur une question d'importance grandissante? » Dans ce cas-ci, je me pose également la question suivante : « Quelle est l'urgence de présenter cette motion? » On ne nous a donné aucune raison ou, du moins, le gouvernement n'en a pas donné.

Le sénateur Mercer : L'ordre vient de l'autre côté de la rue!

La sénatrice Callbeck : Si le gouvernement croyait vraiment que les mesures qu'il propose sont bonnes, il n'hésiterait pas à se lancer dans un débat ouvert et honnête, ici comme à l'autre endroit. Mais non : chaque fois, le gouvernement limite l'étude de ses projets de loi par des motions d'attribution de temps; et voilà qu'aujourd'hui, il veut associer attribution de temps et étude préalable. Selon la leader adjointe de ce côté-ci, c'est la première fois dans l'histoire du Sénat qu'on voit une chose pareille.

Je ne vois vraiment pas ce qu'on aurait à perdre à laisser les sénateurs et les députés s'exprimer et faire connaître les réserves que suscitent ce projet de loi et les enjeux sous-jacents. J'espère aussi que, lorsque le Sénat en sera saisi, le comité pourra se déplacer pour entendre ce que les Canadiens ont à dire, parce que j'ai l'impression qu'ils sont sincèrement inquiets. Personnellement, j'ai reçu des dizaines, pour ne pas dire des centaines de courriels de citoyens des quatre coins du pays, et je peux vous dire que le projet de loi lui-même, autant que la manière dont le gouvernement veut le faire adopter de toute urgence, soulève une opposition généralisée.

Je vous lis un extrait d'une lettre qui m'a été envoyée par un couple d'Owen Sound, en Ontario. Voici :

Le gouvernement veut faire adopter la Loi sur l'intégrité des élections à toute vapeur, même si les Canadiens ne connaissent rien de ses conséquences, hormis ce qu'en dit le gouvernement conservateur de M. Harper. Ce projet de loi touche l'ensemble des Canadiens, pas juste un seul parti, et il faut que tous les électeurs en comprennent les tenants et les aboutissants. Les détails sont importants.

Ils concluent leur missive ainsi :

C'est maintenant au Sénat de prouver sa valeur en refusant de suivre aveuglément les ordres du parti au pouvoir. Nous vous en prions, étudiez attentivement ce projet de loi et donnez aux Canadiens une raison de croire que leur vote s'inscrit dans un régime électoral véritablement démocratique.

C'est ainsi que la lettre se termine, mais voilà aujourd'hui que le gouvernement conservateur essaie encore une fois de limiter le débat et, ce qui est encore plus choquant, de nous bâillonner pour que nous adoptions une motion visant à confier une étude préalable à un comité. Le gouvernement est en train d'étouffer le débat avant même que le projet de loi ne soit renvoyé au Sénat. Comme je l'ai dit, le gouvernement n'a jamais voulu nous expliquer pourquoi il souhaite qu'un comité effectue une étude préalable de ce projet de loi, et c'est la première fois que cela se produit dans l'histoire du Sénat.

Le sénateur Moore : C'est honteux.

La sénatrice Callbeck : Je suis très déçue que le gouvernement agisse ainsi, et je ne comprends pas du tout ses raisons. Son comportement me paraît inexplicable, et je vais certainement voter contre la motion.

[Français]

Son Honneur le Président suppléant : S'il n'y a pas d'autres intervenants, le débat est terminé. Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président suppléant : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : Oui.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président suppléant : Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président suppléant : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président suppléant : À mon avis, les oui l'emportent.

Et deux sénateurs s'étant levés :

Son Honneur le Président suppléant : Convoquez les sénateurs. La sonnerie retentira pendant une heure.

(1630)

[Traduction]

La motion, mise aux voix, est adoptée.

POUR
LES HONORABLES SÉNATEURS

Andreychuk Marshall
Ataullahjan Martin
Batters McInnis
Bellemare McIntyre
Beyak Meredith
Black Mockler
Boisvenu Nancy Ruth
Buth Neufeld
Carignan Ngo
Champagne Ogilvie
Dagenais Oh
Demers Patterson
Doyle Raine
Eaton Rivard
Enverga Runciman
Fortin-Duplessis Seidman
Frum Seth
Gerstein Smith (Saurel)
Greene Stewart Olsen
Housakos Tannas
Johnson Tkachuk
Lang Unger
LeBreton Verner
MacDonald Wallace
Maltais Wells
Manning White—52

CONTRE
LES HONORABLES SÉNATEURS

Callbeck Hubley
Campbell Lovelace Nicholas
Charette-Poulin Massicotte
Cordy McCoy
Cowan Mercer
Dallaire Merchant
Dawson Moore
Day Munson
Downe Rivest
Dyck Robichaud
Eggleton Sibbeston
Fraser Smith (Cobourg)
Furey Tardif—27
Hervieux-Payette

ABSTENTIONS
LES HONORABLES SÉNATEURS

Nolin—1

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, le Sénat a terminé son débat sur la motion d'attribution de temps et, conformément à l'ordre adopté par le Sénat le jeudi 6 février 2014, le Sénat s'ajourne au jeudi 3 avril 2014, à 13 h 30.

(La séance est levée, et le Sénat s'ajourne au jeudi 3 avril 2014, à 13 h 30.)

© Sénat du Canada

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